Rencontre avec Surfrider Gironde :
Il parait qu’on leur dit souvent : “ j’étais persuadé que vous étiez un vrai club de surf!” Et oui, Surfrider Gironde a un nom cool, et la localité qui avec. Pourtant, l’asso est on ne peut plus impliquée dans la protection des océans et du rivage.
SR Gironde est en première ligne quant aux problèmes qui affectent cette partie de la côte Atlantique, en proie à d’autres tristes évènements naturels lors de cet été 2022.
Dans notre dernière édition on a discuté avec Anthony Boudet, représentant de l’antenne locale, qui nous a expliqué les actions de Surfrider Gironde : du ramassage à la collecte des déchets, aux ateliers de sensibilisation directement sur les plages ! Il nous a aussi raconté son parcours, ce qui l’a mené à Surfrider, comment il s’est engagé, son rapport avec l’océan, depuis jeune, ayant toujours vécu en bord de mer…Extrait :
Quelle est la différence entre les actions d’un Surfrider Gironde et Paris, au niveau des actions ?
Ce sont les mêmes actions, c’est juste le terrain de jeu qui change. Pour SR Gironde on a 3 actions dont “ l’initiative Océane” il s’agit de ramassages de déchets sur la plage, on compte les déchets un à un, on quantifie puis alimente les bases de données, on se sert de ces données pour ensuite plaider auprès parlement Européen, pour leur signifier le nombre de déchets plastique qu’on ramasse sur nos plages, les pousser à changer les lois. Ce qui change entre une action comme celle-ci entre Paris et ici c’est le type de déchets qu’on ramasse, à Paris ça va être des mégots, sur la plage c’est plus des morceaux de plastique, des cotons tiges, etc.
Vous qui êtes au plus près du littoral qu’est ce que voyez comme problèmes au quotidien ? qu’est ce qui vous frappe le plus ? L’ultra présence du plastique, vraiment !
Sur une journée de nettoyage de plage vous ramassez combien de déchets et qu’est ce que vous trouvez la plupart du temps ? Ça dépend de ce que l’océan va ramener, ce qu’on a sur la plage vient à 15% de l’océan. Tout le reste tombe au fond. Mais 80% de ce qui arrive sur la plage ce sont des plastiques : bouteilles, bouchons de bouteilles, sac plastiques, capsules de métal, des morceaux de verre : en fonction des saisons : Lorsqu’il y a des coups de vents pendant l’hiver il y a plus de déchets sur les plages. Cette année les plages de Gironde sont moins touchées que les plages des Landes car il n’y a pas eu de grand coup de vent.
La différence avec la mairie qui nettoie la plage et vous ? Lorsque les municipalités nettoient la plage surtout dans la saison touristique où ils sont obligés d’aller vite, le problème est qu’ils détruisent la biodiversité. Dans les algues par exemple, il y a des oiseaux qui viennent pondre et lorsqu’ils passent le tracteur ils détruisent tout. On peut se coordonner avec eux lorsqu’on fait du nettoyage des plages mais des fois ils le font seuls dû aux obligations du tourisme, au fait de cleaner la plage rapidement pour le lendemain.
L’impact du tourisme l’été ? Les plages sont-elles surchargées ?
Il y a assez d’espace, tout le monde peut trouver sa place, en réalité ça dépend beaucoup plus des comportements. Mais là encore, la plupart des déchets qui arrivent sur les plages étant en provenance de l’océan, ce n’est pas vraiment au niveau du civisme sur le rivage que le problème se situe, mais plutôt sur : comment empêcher que tous ces déchets se retrouvent en mer. 80% des déchets proviennent des terres. On sensibilise donc beaucoup plus dans les villes, par exemple : à Bordeaux quand on sort sa poubelle, bien la fermer car mal fermé tout s’envole dans la Garonne, puis ça finit dans l’océan. Un simple mégot jeté en ville finit dans l’océan. Quand les gens comprennent ça tout se lie, pour cela que nos antennes à Bordeaux ou Paris sont aussi importantes qu’ici. On travaille presque plus à la source que sur le rivage. On intervient aussi beaucoup dans les écoles…
Une initiative océane pour nettoyer le rivage, ça rassemble combien de personnes ?
Ca peut être une vingtaine de participants comme ça peut rassembler jusqu’à 250 personnes pour de grosses actions. On le fait aussi avec des entreprises depuis peu, pour toucher un autre public. On a aussi nos propres solutions solutions localement, des bacs à marée pour mesurer la pollution sur les plages, Les mairies nous soutiennent donc on laissent ces bacs à l’année, tout le monde peut ainsi déposer les déchets qu’il trouve sur la plage, et derrière, nous, on collecte !
Retrouvez l’intégralité de l’interview d’Anthony dans notre dernier numéro “Beach culture” !
DIANE BEAUMENAY : PLAIDER POUR L’OCEAN
Diane Beaumenay-Jouannet opère dans l’envers du décor, elle est lobbyiste chez Surfrider Foundation Europe. A la différence d’un lobbyiste privé qui défendra les intérêts de ses clients auprès des législateurs, ceux de Surfrider défendent une cause : la protection de l’océan. Extrait de notre rencontre (retrouvez dès la semaine prochaine l’intégralité de l’interview sur notre site !)
Quel est le statut de Surfrider ?
Surfrider n’est pas une fondation mais une ONG de protection pour l’environnement. Elle a été créée par un groupe de surfeurs aux US puis en Europe (1990) à Biarritz par le champion de surf Tom Curren, partant du fait qu’en Europe on rencontrait les mêmes problématiques qu’aux usa, et qu’il fallait lutter contre la pollution toute l’année. Il s’agissait aussi de remettre en cause les études faites sur la qualité de l’eau, qui étaient réalisées uniquement dans les zones de baignade. Les surfeurs étant sur des zones beaucoup plus élargies et à l’année, ils ont pu amener leur contribution en ce sens.
Combien de pays rassemble Surfrider en Europe, comment travailles-tu avec eux ?
On est présent dans 12 pays en Europe.
J’utilise les remontées du terrain, ce qui nous permet d’établir nos campagnes sur la qualité de l’eau, les déchets aquatiques (en majorité des déchets costiques), l’aménagement du littoral et le changement climatique.
Ton parcours ?
Juriste en droit de l’environnement, j’ai commencé sur les problématiques climat à la Cop 21 de Paris (2015) et aujourd’hui sur celles des déchets aquatiques. Aujourd’hui et depuis 5 ans je suis chez Surfrider en charge de la partie campagne et plaidoyer, ma mission est de rédiger des amendements et de rencontrer les politiques pour faire changer les lois.
Comment s’opère la transition du terrain à ton service ?
On se base sur les données, les collectes sur les côtes (initiatives océanes) ça nous permet d’établir un bilan environnemental chaque année avec un TOP10 des déchets que l’on retrouve le plus dans l’océan. Dans ce classement on va prendre chaque déchet un par un pour voir comment ils sont arrivés là, et comment faire pour que ça n’arrive plus dans l’océan. Exemples : le mégot, les fragments de plastique, polystyrène, bouchon de bouteille, emballage alimentaire…Comme ce sont ces derniers qu’on retrouve en majorité, on a monté des campagnes sur ces sujets, par exemple pour supprimer les bouteilles plastiques, développer des systèmes de consignes, changer les format bouteille et donner accès à l’eau. En ce moment on plaide au parlement Européen pour que le droit à l’eau soit reconnu, qu’il y ait une obligation de mettre un accès public à l’eau partout et gratuit pour tous, un développement de bouteilles réemployables : on construit ainsi notre positionnement, partant d’une sensibilisation et en proposant des alternatives. Pour qu’une alternative existe il faut la généraliser, la rendre accessible à tous.
Comment faites-vous pour convaincre au parlement ?
Cela passe par le plaidoyer, pour cela il faut un positionnement : par exemple expliquer la conséquence de la pollution et impacts sur les écosystèmes marins sur la base de rapports scientifiques, proposer les alternatives qui existent et fixer des demandes de réalisations d’objectif. On fait ce travail au niveau Européen, mais aussi auprès du Parlement français, des institutions nationales.
Quelques victoires ?
Au niveau Européen on a contribué à l’interdiction des plastiques à usage unique (exemples pailles, gobelets, etc). En France concernant la loi anti-gaspillage et sur l’économie circulaire on a porté des revendications, en plus des mesures de réductions sur les micros plastiques, et de l’objectif de réduction des bouteilles plastiques. La campagne “Ban the bag” de 2016 a été une première victoire, qui a marqué un gros changement sur les plages, comme en France avec l’interdiction des sacs plastiques gratuit, et en Europe la directive qui a fixé un objectif de réduction des sacs plastiques par pays.
On en voit les effets ?
Même avec ces lois on a encore beaucoup de sacs plastiques aujourd’hui sur les plages. Le temps qu’une loi soit adoptée prend au moins deux ans, pour qu’elle soit appliquée il faut attendre encore 2 ans, et pour qu’elle soit enfin respectée partout c’est plutôt 10 ans !
D’où l’importance de s’y prendre dès maintenant ?
Oui, il faut aller plus vite sur ce genre de mesures et qu’elles soient systématiquement alignées avec nos voisins européens.
Le plastique aujourd’hui dans l’eau ça représente quoi en chiffres ?
400 millions de tonnes de plastique par an, une production qui est exponentielle, on va arriver à 600 millions en 2025. 12 millions de tonnes de déchets arrivent dans l’océan chaque année dont beaucoup de plastique. On essaye de plus en plus de déceler la quantité de micro plastiques dans l’océan (le plastique se dégrade en micro particules dans la mer, ce qu’on voit à la surface c’est 1% de la pollution plastique en mer, le reste va se sédimenter sur le sol océanique).
C’est une pollution invisible ?
Oui, on estime qu’il y a plus de 24 milliards de micro-plastique dans l’océan en suspension. Le plastique ne disparaît jamais. Aujourd’hui on produit trop de plastique par rapport à notre capacité à le gérer, surtout que certains pays n’ont pas les capacités et les équipement pour traiter les déchets. Le recyclage n’est donc pas une solution en soi : il faut produire moins.
Combien de temps dure le processus de désintégration du plastique ?
Des centaines d’années. Ce sont des nano particules dans l’eau, dans l’air, dans le sel, dans notre corps, des micro-plastiques polluants, éléments chimiques qui sont des pertubateurs endoctriniens : les études deviennent de plus en plus sérieuses sur le sujet mais il est encore difficile d’avoir le lien direct entre l’impact direct du plastique sur le santé. Problème : personne ne veut financer ce genre d’étude, et de notre côté pour l’instant nous en n’avons pas les moyens.
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